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Tribunal correctionnel de Cahors. Les organisateurs de la rave party d'Aujols seront-ils condamnés?

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Le palais de justice de Cahors.

Le palais de justice de Cahors.

Ce rassemblement festif, à caractère musical, plus communément appelé « rave party », s’est déroulé sur un terrain agricole, aux abords du bourg d’Aujols.

La présidente du tribunal, Isabelle Six, relève que la manifestation n’a pas fait l’objet de déclaration préalable et il apparaît que les lieux posaient difficultés, en termes d’accessibilité et de sécurité, pour assurer le maintien de l’ordre et l’intervention des services de secours.

Appelés à la barre :

– Pierre*, 36 ans, résidant à Montpellier, l’organisateur principal de la manifestation,

– Paul*, 43 ans, habitant de Concots, adjoint de l’organisateur,

– Jacques*, 48 ans, propriétaire du terrain.

Un éventail d’infractions

Pierre se voit reprocher notamment : d’avoir organisé la manifestation sans autorisation préalable, d’avoir maintenu un haut niveau sonore ayant causé un trouble à la tranquillité publique, d’avoir encaissé le prix des entrées sans billetterie et d’avoir ouvert un débit de boissons, sans l’avoir déclaré.

Pour sa part, Paul est poursuivi pour « complicité », pour avoir joué les intermédiaires entre l’organisateur et le propriétaire du terrain sur lequel s’est déroulée la manifestation. Le délit de complicité est également élargi aux autres griefs retenus à l’encontre de l’organisateur principal.

Quant à Jacques, propriétaire du terrain, il est lui aussi prévenu de « complicité », pour avoir mis à disposition le terrain agricole ayant permis la tenue de la manifestation à l’origine des troubles et avoir apporté son concours à son déroulement.

La présidente du tribunal insiste sur l’intensité de la musique à l’origine des désagréments subis par la population, sur plusieurs kilomètres à la ronde et elle fait état du malaise d’un festivalier, suite à une prise de stupéfiants.

Huit camions ont assuré le transport de l’ensemble de la logistique ; deux chapiteaux, la scène et le matériel de sonorisation. 70 bénévoles ont apporté leurs concours à l’organisation du rassemblement.

Les trois prévenus soutiennent qu’ils attendaient 500 personnes « environ ». Or, il en serait arrivé plus de 1 000 ! La communication a été diffusée essentiellement via les réseaux sociaux.

Des organisateurs dépassés ?

– « Nous n’avons pas demandé d’autorisation, parce que nous savions qu’elle nous serait refusée ! » s’exclame Pierre, tout de go. Il ajoute : « Normalement jusqu’à 500 personnes on n’a pas besoin d’autorisation préfectorale ! » Il fait valoir qu’il a été installé un stand de prévention avec éthylotests et préservatifs. Il continue : « Nous comptions deux infirmiers, des talkies-walkies pour relayer les informations, d’un coin à l’autre du site ».

80 fûts de bière avaient été prévus, auxquels s’ajoutent « 3 bouteilles d’alcool fort pour les bénévoles », est-il relevé dans l’enquête.

En dépit de l’affluence et des entrées fixées à 10 €, le bilan financier serait déficitaire. Il aurait été difficile de régler les 2 000 € de frais de chapiteau et les 3 000 € du coût de location de la sonorisation.

– « Pourquoi n’avez-vous pas baissé le volume de la sono, qui a gêné tant de gens, à commencer par les résidents du camping tout proche ? » demande la présidente.

– « Mais nous l’avons fait, à partir du moment où les gendarmes nous l’ont demandé ! » répond Paul.

Mme Six s’inquiète des conditions de sécurité, qui n’étaient pas remplies à ses yeux, au regard de la foule en présence.

– « Comment expliquez-vous qu’il y ait eu 1 000 personnes au lieu de 500 ? » demande Cécile Lasfargues, vice-procureur. Certains commentaires font état de 3 000 personnes.

– « Le bouche-à-oreille Mme ! Mais on ne comptait pas ! Et il est sûr que beaucoup de gens sont entrés sans payer, en passant à travers bois » reprend Pierre.

La magistrate hausse le ton et fait part de ses observations : « Trois toilettes sèches pour tant de monde, pas de sapeurs-pompiers sur les lieux, pas de fouilles à l’entrée de la zone, juste des talkies-walkies, vous pensez que c’est suffisant ? »

Paul explique qu’il est intervenu pour assurer le bon déroulement de la manifestation. Il déclare : « J’étais là en bienveillance, pour faire en sorte que cela se passe au mieux et au final il n’y a pas eu de problème, nous avons bien géré les affaires, y compris la personne qui a fait un malaise ! »

Il indique que cela fait plus de 20 ans qu’il organise des free partys. Cependant, depuis quelque temps, il indique s’être reconverti dans l’élevage de brebis.

Quant au matériel de sonorisation, jusqu’ici sa restitution a été refusée par le Procureur de la République de Cahors.

Indulgence ou peine exemplaire ?

Jacques soutient que le terrain prêté à l’association organisatrice n’était pas dangereux. Quant à la personne victime d’un malaise, il affirme : « C’est moi qui ai galopé pour orienter les secours et c’est peut-être grâce à mon intervention qu’elle est encore en vie. Vous voyez bien qu’on a fait tout ce qu’il y avait à faire ! »

« Le but n’est pas d’interdire une manifestation festive et musicale, mais de faire en sorte que soient respectées un certain nombre de dispositions afférentes à la sécurité de tous ! » s’exclame Cécile Lasfargues. La vice-procureur dénonce l’amateurisme qui a présidé à ce rassemblement et le fait que les organisateurs se soient laissé dépasser par l’affluence. Elle rappelle qu’une rave party est soumise à autorisation préfectorale, dès lors qu’il s’agit de diffuser de la musique amplifiée. Mme Lasfargues évoque les désagréments subis par les riverains « qui n’en pouvaient plus d’entendre des basses à forte puissance à longueur du week-end ». Elle insiste sur le fait que les poursuites ont été engagées, dès lors qu’il est apparu que la sécurité des personnes n’était pas assurée. Elle énumère les infractions matérielles : absence de billetterie, non-déclaration de débit de boissons, nuisances sonores… Elle demande condamnation et souhaite une peine exemplaire, « qui puisse faire réfléchir ceux qui auraient à l’idée d’organiser une telle manifestation ». À l’encontre de Pierre, elle requiert 1 500 € d’amende et pour Paul et Jacques 600 € d’amende. Elle demande la confiscation du matériel saisi, en l’occurrence la sonorisation.

« Ce n’est pas qu’ils veuillent organiser des manifestations non déclarées ! » s’insurge la défense des prévenus, faisant valoir que la réalité de la situation montre qu’il est très difficile d’obtenir des autorisations pour l’organisation de telles manifestations. Les deux avocates, maîtres Leclerc et Rostan, plaident l’accès à la culture « pour des gens qui n’ont pas les moyens de se payer des places de concerts ». « Ces organisations ont mauvaise presse et les pouvoirs publics ne veulent pas les aider ! » se plaignent-elles. Elles implorent l’indulgence du tribunal et sollicitent la relaxe de leurs clients ; elles demandent la restitution du matériel de sonorisation, invoquant le risque d’une mise en péril de la société toulousaine, qui a consenti à la location.

 JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE

 * Le prénom a été changé.


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