
Au regard de la montée en puissance et du calvaire qu’a subi la victime, le tribunal a condamné ce Normand de 61 ans à 4 ans de prison dont 18 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant 2 ans. (© DR)
C’est l’épilogue d’un harcèlement de six mois. Six longs mois pendant lesquels une femme de 44 ans a vécu un enfer psychologique.
Le 9 octobre 2018, alors qu’elle sortait de son cours de danse country à Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine), elle a été aspergée d’acide sulfurique, par un homme au visage dissimulé. Elle en sort brûlée au bras, et au visage. Après 10 jours de soins, elle est sortie de l’hôpital, unique lieu où elle s’est enfin sentie en sécurité.
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Un Saint-Bernard
Tout converge à désigner son ancien compagnon qui habite Pontorson, dans la Manche, à quelques kilomètres de là. Un homme de 61 ans, dont elle vient de se séparer, après 4 ans de vie commune. Lui l’a sauvé d’une relation de 20 ans, avec un homme qui la frappait. « Une vie dure » explique la présidente du tribunal de Saint-Malo, ce lundi 19 novembre 2018.
Une vie avec peu de loisirs, peu de sorties. Elle l’a rencontré dans le cadre de son travail, il l’a prise sous son aile protectrice. Libérée d’un mariage destructeur, retrouvant sa liberté après 20 ans d’isolement, elle s’est investie dans des cours de danse, et engagée dans le club de foot de son fils. Une nouvelle vie un chouïa trop active et sociale pour lui qui ne l’a pas supporté. Trop avenante, trop aguicheuse aux yeux de Monsieur. Le sauveur va devenir bourreau.
D’un monstre à l’autre
À partir de mai 2018, il va s’acharner. Le calvaire recommence.
« D’un monstre, elle est passée à un autre monstre » raconte son avocate Me Guilloux.
D’abord, elle retrouve une taupe morte sur le capot de sa voiture. Puis son sac à main est volé. Un mois plus tard, les quatre pneus de son véhicule sont crevés. L’ex-compagnon prend soin de peaufiner son rôle de sauveur, et vient les lui changer
« Ça va ma p’tite mère ? Il va falloir changer tes relations » lui conseille-t-il dans quelques sms.
Ses vêtements découpés, son véhicule incendié
Quelques jours après, deux pneus sont crevés sur le véhicule de la fille de la victime, puis de nouveau les quatre du sien. Elle retrouve ensuite « Saloppe » écrit sur le mur de sa maison. Puis ce sont ses vêtements qui sont découverts découpés en morceaux. Le 22 juin, son véhicule est incendié. Quatre jours plus tard, elle reçoit une carte postale du Mont Saint-Michel pleine d’insultes. Là, ses filles sont vulgairement visées. Avec de nouveau la même faute d’orthographe.
Le 15 juillet, le véhicule de sa fille est de nouveau dégradé.
À chaque épisode, la femme apeurée porte plainte.
Réveillé en pleine nuit par un homme cagoulé
Le 12 août, elle est réveillée brutalement en pleine nuit par un homme cagoulé, qui frappe à sa porte avec une batte de base-ball. Grâce à la caméra de vidéosurveillance que les policiers lui ont conseillé d’installer, elle reconnaît son ancien compagnon.
Et puis ce soir du 9 octobre, l’ultime attaque survient. Une batte de base-ball, qui serait plutôt un manche de pioche d’après l’avocat de la défense, avec l’ADN de l’homme, est découverte près du véhicule de la victime.
À l’audience correctionnelle du 19 novembre, l’homme, en détention provisoire depuis les faits, parle d’un alibi. Le soir où sa compagne a été attaquée à l’acide, il était chez son beau-fils. Mais le beau-fils en question n’est pas vraiment aussi catégorique : « Il a dû venir le 8 ou le 9 octobre, je ne sais plus. »
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Fatale faute d’orthographe
Les gendarmes de leur côté ont fait faire quelques travaux d’écriture à l’agresseur supposé : sur la dictée, les mêmes fautes d’orthographe que sur les cartes postales et le mur de la maison apparaissent.
Plusieurs témoignages viennent renforcer l’idée que l’homme est à l’origine des dégradations et des attaques. Notamment son téléphone portable qui a été étrangement coupé sur la demi-heure de l’attaque, empêchant toute géolocalisation. Et puis lors de son interpellation, des brûlures ont été constatées sur ses bras.
Est-ce-que le premier mari de la victime, lui aussi violent, aurait pu être l’auteur des faits ? Déjà condamné en 2014, il n’a jamais refait parler de lui. La victime ne le met pas en cause : « Je sens bien qu’il est peiné de ce qui m’arrive, même si lui il n’a pas fait mieux. »
« Physiquement, ça va. Moralement c’est autre chose »
« Ça a commencé à la séparation, ça s’est terminé à l’incarcération. Il n’y a aucun doute sur l’implication de monsieur » explique Me Guilloux.
Depuis un mois et demi, la victime a toujours une brûlure qui suinte. « Physiquement, ça va. Moralement c’est autre chose » dit-elle.
Le psychiatre parle d’une « femme résiliente », « en proie en continu aux violences depuis le début de sa vie conjugale. »
« Quand on en vient à vouloir défigurer une personne à l’acide, c’est extrêmement grave ».
Ces mots seront ceux du procureur de la République avant de requérir une peine de 3 ans d’emprisonnement, dont un an assorti d’un sursis, afin de protéger la victime « dans l’immédiat. »
4 ans de prison
« La caméra a été mal placée, on n’y voit pas grand-chose » insiste Me Mollard qui défend le prévenu et demande la relaxe. « Rien ne permet de le désigner. La conviction profonde de la victime n’est pas forcément la vérité. » « On est face à un amoureux qui se défend avec ses armes, la littérature en regorge : elle me dit non, je me bats. »
Le sexagénaire a été déclaré coupable par le tribunal de Saint-Malo. Au regard de la montée en puissance et du calvaire qu’a subi la victime, le tribunal l’a condamné à 4 ans de prison dont 18 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant 2 ans. Il a une obligation de soins, l’interdiction de paraître à Pleine-Fougères et d’entrer en contact avec la victime. Le tribunal a ordonné son maintien en détention.
De notre correspondante au tribunal Sophie Le Noën