
Le Stade Toulousain de Thomas Ramos (ballon en mains) a livré un grand match face aux Wasps. (©Icon Sport)
Ces derniers semaines ont été difficiles à vivre pour tout le monde. Tensions sociales, manifestations, violences, attentat, décès brutal d’un jeune rugbyman, victoires du Racing 92 avec la manière… autant d’évènements qui nous plongent dans l’angoisse et qui nous font redouter un futur bien sombre. Si l’on ajoute à ça la traditionnelle déprime hivernale et la perspective de se taper des débats sur les gilets jaunes pendant les repas de fête, et on aurait presque envie de rendre hommage à Armand Vaquerin en s’offrant une partie de roulette russe comme cadeau de Noël.
Heureusement, parfois, un rayon de soleil vient percer à travers la grisaille ambiance. Ce rayon de soleil, pour moi, c’est voir Yoann Huget célébrant un essai, avec ses dents si parfaites et si blanches, ses épais sourcils ombrageux, ses bouclettes noires saillantes et son teint toujours hâlé même quand il fait -5 degrés. C’est aussi de voir un bon match de rugby, avec du spectacle et des essais, exploit qui semble encore réalisable, même en plein hiver et sous la flotte. Vous l’aurez donc compris, cette semaine on va revenir sur Stade Toulousain – Wasps, un match qui nous a fait dire « ah, quand c’est joué comme ça c’est quand même sympa le rugby », et on en avait bien besoin.
La compo

La composition du Stade Toulousain contre les Wasps. (©Ovale Masqué)
Le film du match :
5e minute : Noël approche à grand pas, et comme les Anglais sont bien élevés, ils sont venus à Ernest-Wallon avec quelques cadeaux. Plutôt que sous le sapin, ils décident d’en déposer un directement dans les bras de Yoann Huget. En grande forme depuis quelques matches, l’ailier toulousain récupère le ballon après une tentative de passe après-contact de Willie le Roux aussi inutile qu’imprécise. Après avoir piqué un sprint sur 30 mètres, Bubulle va aplatir en coin le premier essai de son équipe. La transformation de Ramos vient taper le poteau, 5-0.
9e : Les Toulousains sont pénalisés pour une faute au sol. Le jeune Billy Searle, titularisé après le match catastrophique de Lima Sopoaga la semaine dernière, passe la pénalité. 5-3.
10e : Après l’essai du labrador, la réplique du Bassett. Les Wasps font le seul truc qu’ils savent faire offensivement, c’est-à-dire du large-large, et ça marche plutôt bien. Après une première percée du flanker Thomas Young, ce même Young décale Ashley Johnson avec une jolie passe sur un pas. Le talonneur à coupe afro fixe et donne pour Josh Bassett, qui va conclure en coin un bien bel essai. C’est transformé, les Anglais passent devant au score, 5-10.

RAPPEL : ne courez pas à côté des arbitres ! (©EPCR)
12e : Le Roux semble jouer demi d’ouverture sur les lancements de jeu anglais et c’est très efficace. Pour les Toulousains surtout. Après une passe de merde pour Daly et un en-avant, les Toulousains récupèrent une mêlée dans leur camp et investissent les 22m après une prise d’intervalle de Guitoune. La séquence se poursuit sur plusieurs temps de jeu et Dupont fait le geste décisif, avec un départ au ras et une passe au contact pour Tekori, lancé comme une Batmobile de 15 tonnes à 10m de la ligne d’en-but. En position de denier défenseur, Searle fait le meilleur choix dans l’optique de rester en vie et tente de plaquer le Samoan aux jambes. Évidemment, c’est aussi efficace que si Passe-Partout s’accrochait à la jambe de Godzilla. Deuxième essai, les Rouge et Noir repassent devant, 12-10.
18e : Le match est bien agréable, il y a du rythme et ça envoie du jeu des deux côtés. Mais les Toulousains font plus facilement des différences, à l’image de Guitoune qui réussit une nouvelle percée après un beau service de Dupont. L’ancien usapiste élimine le Le Roux avec sa spéciale, le cad’deb, mais se fait rependre par le demi de mêlée des Guêpes à 5m de la ligne. Le ballon ressort vite, Kaino sert Ntamack à son intérieur et le trois-quarts centre prend le trou pour aller pointer dans l’en-but. Déjà le troisième essai des Stadistes, 19-10.

Il nous la sort chaque semaine, et à chaque fois ça marche. (©EPCR)
27e : Après un en-avant toulousain, les Wasps récupèrent une mêlée juste devant leurs 22m. Et encore une fois, ils décident de jouer. Eliot Daly prend le trou au milieu du terrain entre Ntamack et Guitoune, puis sert parfaitement Le Roux. Le Springbok, qui vivait probablement jusque-là le pire match de sa carrière, accélère et va marquer tranquillement. 19-17, déjà 5 essais en 30 minutes, quand on est habitué au Top 14 ça fait quand même bien mal à la tête.
31e : Les Toulousains continuent de se faire transpercer de partout et Basset s’échappe sur son aile. Mais il est bien rattrapé par Cheslin Kolbe, qui en plus de collectionner les reins des Anglais, a livré quelques beaux plaquages au cours de cette partie.

Même en lui lançant une Pokeball dessus, impossible d’attraper Kolbe. (©EPCR)

Petit mais costaud. (©EPCR)
33e : Julien Marchand récupère une pénalité en bonne position après un bon contest au sol. Ramos passe son coup de pied, 22-17. L’occasion de noter que Marchand est vraiment excellent chaque week-end, tout comme François Cros ou Florian Verhaeghe, qui ne sont pas les joueurs dont on parle le plus. Il n’y pas que Dupont dans la vie (mais ok, il est super fort).

Noël c’est aussi la période des cadeaux de merde dont on ne veut pas. Ici, un bon exemple avec cette passe de Dupont, à qui il arrive quand même de rater des actions. (©EPCR)
36e : Holmes se met à la faute un peu bêtement avec un hors-jeu sur une touche et offre 3 points aux Wasps. 22-20.
39e : On passe pas loin du 4e essai toulousain. Décalé en bout de ligne par Ramos et Holmes, Huget joue son duel contre Neal et tente un raffût pour aplatir en coin, mais il perd le contrôle du ballon dans l’en-but. On se dit alors que si Bubulle avait plongé directement il aurait peut-être pu marquer en se faisant beaucoup moins chier, mais c’est évidemment bien facile derrière son écran.

Je profite de la mi-temps pour vous offrir la minute sexy du match, avec Kieran Brookes. (©EPCR)

Ou avec Sofiane Guitoune, si vous avez des critères de beauté plus classiques. (©EPCR)
43e : La seconde période débute sous la pluie, mais ça ne calme pas vraiment les volontés offensives des deux équipes. Ramos s’offre une course en travers au centre du terrain et réussit à trouver un petit intervalle, avant de relever son ballon pour Huget, lancé plein champ. Dupont a bien suivi et vient croiser, Bubulle le sert dans un timing parfait et le demi de mêlée va marquer l’essai du bonus sous les poteaux. 29-20.
45e : Encore un essai, ça devient presque fatiguant. Encore une imprécision défensive au centre avec Guitoune et/ou Ntamack qui montent en pointe de façon aléatoire. La porte s’ouvre pour Searle. Le demi d’ouverture anglais sert Le Roux, qui fixe parfaitement pour Neal, qui bat Ntamack à la course et va terminer sa course au milieu des poteaux. 29-27. Même Dieu est essoufflé et décide de rajouter un peu de pluie pour que le rythme se calme.
55e : Et effectivement, le rythme baisse un peu, avec pas mal de fautes de mains des deux côtés. Après une mêlée dominée, les locaux récupèrent une pénalité en face des poteaux. Ramos donne un peu d’air à son équipe, 32-27.

Tiens, Bubulle a trouvé un nouveau copain. (©EPCR)
62e : Après un ballon cafouillé par Neal sous une chandelle, Holmes puis Huget poussent le ballon au pied. au fond du terrain. Bubulle vient alors compléter sa collection de presque-essais en étant à deux doigts d’aplatir avant que le ballon ne sorte en ballon mort. Fairplay, il va dire à Nigel Owens qu’il n’a pas marqué. Ça change un peu de Juan Imhoff qui la semaine dernière, célébrait comme s’il avait gagné la Coupe du monde pour faire croire à l’arbitre qu’il avait aplati dans l’en-but (alors qu’en fait non).

– Gillian, t’es sûr de toi pour cette nouvelle coiffure ? (©EPCR)
65e : Holmes attaque la ligne mais se fait rattraper par Michele Campagnaro (mais si vous savez, ce joueur toujours brillant avec l’équipe d’Italie mais toujours blessé dans son club, un peu comme Sergio Parisse quoi). L’Australien réussit néanmoins une très belle passe au contact pour Ramos, qui met les gaz et réussit à son tour un offload pour Dupont, qui va conclure en coin. 39-27.

C’est donc ça, le rugby ? (©EPCR)
77e : Les Rouge et Noir attaquent encore dans les 22 anglais, et récupèrent une pénalité. Ramos la tente parce que… eh bien on ne sait pas, mais en tout cas ça fait 42 à 27.
80e : Alors qu’ils ont pris les points 3 minutes plus tôt, les hommes d’Ugo Mola s’entêtent à jouer et à aller chercher l’essai, même après la sirène, et alors qu’ils ont déjà le bonus offensif. Pourquoi pas après tout, mais ça ne donne rien. La fin du match est donc sifflée sur le score de 42 à 27.
Le bilan
Encore une bien belle performance des Toulousains, qui restent invaincus dans cette Champions Cup avant d’aller défier le Leinster à Dublin en janvier. D’ici là, on espère qu’ils auront réglé leurs petits soucis défensifs au centre du terrain, parce que contre la bande à Sexton, ça risque de moins rigoler. L’autre gros risque, c’est qu’à force de lire et d’entendre partout qu’ils sont géniaux et qu’ils sont redevenus un grand club, les Rouge et Noir risquent de retrouver leur fameux turbo-boulard, qui a probablement été leur pire ennemi au cours de la décennie 2010.
Mais bon, en attendant, on ne va pas bouder notre plaisir : ça fait du bien de voir les Toulousains (et les Racingmen aussi, on est bien obligés de le reconnaître) jouer aussi bien en Champions Cup. Et puis surtout ça fait du bien d’aider les Anglais à boucler leur Brexit en virant les Wasps, Leicester et Bath de l’Europe.

On ne sait pas encore si le Stade Toulousain fait de nouveau peur aux grands d’Europe, mais en tout cas Lucas Pointud fait peur aux enfants. (©EPCR)
Pour terminer, j’aimerais rendre un petit hommage à Jacques Verdier, le journaliste et l’homme de lettres, qui peut se vanter d’avoir écrit plus de livres qu’un pilier peut espérer en lire tout au long de sa vie. Jacques disait souvent que « c’était mieux avant », et pour son cas personnel il avait probablement raison, puisqu’avant il était en vie.
En tant que rédacteur en chef et éditorialiste principal du Midi Olympique pendant de longues années, il a souvent été la cible des moqueries des sales gosses de mon espèce, qui aiment bien taper sur les institutions pour avoir l’impression qu’ils sont trop malins. Mais il savait encaisser les coups et les plaquages, même quand ils sont un peu hauts, et je garde un souvenir ému du petit mot sympathique qu’il avait écrit dans son journal lors de la sortie du premier livre de la Boucherie Ovalie. Repose en paix Jacques le coruscant, toi l’amoureux du beau jeu et des grands espaces, puisses-tu retrouver là-haut tes idoles d’autrefois, André Boniface, Jo Maso et autres Didier Codorniou !
Note de la rédaction d’Actu Rugby : Didier Codorniou et Jo Maso sont toujours en vie.