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Histoire quercynoise. Le feu sacré d'Henri de Navarre

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Henri IV et Sully.

Henri IV et Sully. (©DR)

« Mais pourquoi rappeler cette triste victoire !

Que ne puis-je plutôt ravir à la mémoire

Tous les cruels moments de ces affreux succès !

Mon bras n’est encor teint que du sang des Français

Ma grandeur, à ce prix, n’a point pour moi de charmes

Et mes lauriers sanglants sont baignés de mes larmes. »

Voltaire, « La Henriade »

 

La Réforme s’étendit en terre quercynoise vers 1530. La noblesse embrassa l’hérésie de Calvin. La châtelaine d’Assier, Jeanne de Genouillac, fut l’âme de la Réforme du Quercy. Il y eut de violents affrontements entre catholiques et huguenots. Trente-cinq calvinistes périrent à Cahors, en 1561. Les protestants réussirent à s’emparer de Figeac où s’accomplirent de nombreuses atrocités. Henri de Navarre prit d’assaut la ville de Cahors où se déroulèrent d’effroyables scènes de pillage durant cinq jours et cinq nuits, du 29 mai au 2 juin 1580, en présence de Sully.

C’est à ce dernier, témoin et acteur principal de la prise de Cahors, que nous laissons le soin d’en rappeler les dangers et de glorifier les trophées du roi Henri de Navarre.

« Le roy de Navarre ayant passé par Montauban, Négrepelisse, Saint-Antonin, Cajarc et Cénevières, pour rassembler toujours des gens, à cause que M. de Choupes, qu’il avait mandé, n’estoit pas encore joint…

Dès l’entrée de la ville, vous eustes à combattre une troupe d’environs quarante hommes bien armez, ayant des hallebardes et pistolets, et environ deux cens arquebusiers : car l’obscurité empeschoit d’en bien juger : mais au feu des Salües d’harquebusades, on voyoit que la plupart d’iceux estoient nuds jambes, n’ayons eu loisir de prendre leur bas de chausses : les cloches faisoient un merveilleux bruit, sonnans l’allarme de toutes parts ; les voix… crians incessamment : Charge ! Charge ! et Tüe ! Tüe !…

… Les trois dernières nuicts, il y eut incessamment de grandes alarmes sur les bruits de secours meslés d’harquebusades, voix, cris et tel tintamarre et confusion de toutes parts…

… Le secours ennemy contraint de se retirer, et la ville entièrement conquise, au pillage de laquelle on ne s’épargna pas ; et en vostre particulier, vous gagnastes, par le plus grand bonheur du monde, une petite boüette de fer, que nous croyons que vous avez encore, que vous baillastes lors à l’un à l’un de nous quatre à porter, et l’ayant ouverte, trouvastes quatre mille escus en or dedans. »

Le carnage de Cahors (mai 1580)

Le pétard à feu utilisé en 1580 par Henri de Navarre, lors de la prise de Cahors.

Le pétard à feu utilisé en 1580 par Henri de Navarre, lors de la prise de Cahors. (©DR)

Il y eut un véritable carnage commis à Cahors par les hommes du roi de Navarre, que les historiens actuels reconnaissent sans conteste, contrairement aux littérateurs de l’époque napoléonienne, qui vantaient la victoire héroïque et exemplaire pour la France du « bon roi Henry », au siège de Cahors.

Il ne faut pas oublier que le chef-lieu du Lot était, au Moyen Âge, « la capitale » de l’Ordre du Temple, et sur le plan des finances, une place bancaire qui rayonnait par ses richesses dans le Sud du royaume.

Lorsque le roi de Navarre ordonne le pillage de la ville, il sait parfaitement qu’il va amasser un véritable trésor pieusement caché par les autorités ecclésiastiques. Henri de Navarre fait prisonnier Paul de Tuscan, grand architecte ? ce n’est pas le fait du hasard ? et ordonne aussitôt de saccager la cathédrale dont la porte principale fut ouverte par un pétard, mais aussi neuf églises paroissiales. L’or et l’argenterie furent volés. Les soldats du roi Henri vont jusqu’à emporter les ornements de l’évêque Saint-Didier que l’on conservait avec vénération. Ils détruisent son mausolée qui subsistait depuis plus de dix siècles. Il y eut aussi profanation de plusieurs sarcophages : celui du père du pape Jean XXII, et ceux de cinq ou six cardinaux qui avaient contribué à la construction de l’église des Dominicains.

Le roi de Navarre avait dormi dans la maison du sieur Roldès, située près de la place Saint-James. C’est une maison antique. On y montre encore la chambre où coucha le roi. La ville revint au vicomte de Gourdon et la sous-lieutenance à un notable de La Tour-de-Faure, « capitaine dudit vicomte et son voisin. »

Une spectaculaire évasion

Le lendemain du pillage de la cathédrale, une femme vêtue de noir ramassa « la Sainte Coiffe » que les huguenots avaient jetée sur les dalles, en dérobant la châsse de vermeil, enrichie de pierreries splendides, qui l’enfermait.

Jérôme Dadine de Hautesserre pria cette Cadurcienne de lui porter la relique. Elle se présenta à la maison du grand archidiacre, où il était prisonnier. En récompense de ce don, la brave donatrice reçut quelques boisseaux de froment.

Aussitôt le captif décida de s’évader. Avec l’aide de son domestique prévenu par un gardien acheté à prix d’or, il prit la poudre d’escampette, la nuit tombée, dans une barque dissimulée du côté du couvent de la Daurade. Un nommé Vigier attendait le sieur de Hautesserre ; ils traversèrent le Lot sans danger. Leur disparition fit grand bruit. Il n’y eut pas de poursuites. Les évadés destinèrent « la Sainte Coiffe » à Luzech où le chapitre de Cahors s’était retiré pour la célébration des offices.

À la gloire de Cénevières

Le château de Cénevières.

Le château de Cénevières. (©Wikipedia)

Le vicomte de Gourdon, ravi par la victoire d’Henri de Navarre, voulut faire porter à Cénevières ? son château situé dans la vallée du Lot ? les marbres du grand autel de la chapelle dédiée à la « Sainte Coiffe. »

Il les fit placer dans deux barques : mais quand on arriva à Galessie, une des barques chavira, les marbres du grand autel de la cathédrale se brisèrent au fond de l’eau, les occupants de l’embarcation ne purent sauver leur vie. L’autel du Saint-Suaire, rescapé du naufrage, qui avait été consacré en 1119 par le pape Calixte II parvint à Cénevières ; il fut placé dans un cabinet de verdure, où il servit de table de jeux.

Provocateur par sa virilité guerrière, Antoine de Gourdon était un bandit, un véritable hors-la-loi, aux yeux de l’évêque de Cahors rançonné, dépouillé des trésors de la cathédrale dont une partie avait rejoint le château de Cénevières. Cet évêque était catastrophé, arrivant de Rome, après le siège et la prise de sa ville épiscopale. Sans honte ni vergogne, le seigneur de Gourdon préféra festoyer à Cénevières, réjoui par une victoire si chèrement acquise.

Il faut préciser qu’Antoine de Gourdon qui avait épousé la cause protestante, en échappant par miracle au massacre de la Saint-Barthélémy, à Paris, sera nommé gouverneur de Cahors en récompense de sa fidélité au futur roi de France, Henri de Navarre. Il acheva en 1585 la construction de son château, tel que nous le connaissons aujourd’hui. En 1612, Louis XIII érigea sa terre en marquisat.

Pour la petite histoire, Antoine de Gourdon était le fils de l’illustre Flottard de Gourdon, grand chambellan de François 1er, ami d’un autre quercynois célèbre Galiot de Génouillac, maître d’artillerie des armées françaises.

 

MICHEL PALIS


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