
En Normandie, le bruit et les odeurs provenant des pousseurs de barges qui stagnaient au fin du jardin d’un lotissement étaient devenus insupportables. (©Illustration Adobe Stock)
Un chien qui aboie fort, des arbres qui cachent le soleil, un tas d’ordures aux odeurs musclées : les motifs ne manquent pas pour déclencher un conflit de voisinage.
Le litige soumis au tribunal d’Évreux et à la cour d’appel de Rouen (Seine-Maritime) n’est pas habituel : dans l’Eure, l’habitant d’un lotissement situé au bord de la Seine s’est plaint de l’amarrage de pousseurs de barges fluviales (péniches sans moteur) à l’extrémité du terrain de son voisin.
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Ils font du bruit et sentent mauvais
« L’amarrage de tels bateaux de commerce génère des troubles de voisinage visuels par la taille importante de ces bateaux, sonores en raison du bruit des moteurs diesel et olfactifs à cause des gaz d’échappement », estimait le plaignant. En résumé, les pousseurs sont gros, font du bruit et sentent mauvais.
Le tribunal d’Évreux a donné gain de cause au plaignant le 23 mai 2017 : interdiction pour le gérant de l’entreprise de transport fluvial d’amarrer des pousseurs, 3 000 euros de dommages et intérêts.
L’entrepreneur a fait appel : la cour d’appel de Rouen a examiné ce dossier le 28 novembre 2018 et rendu sa décision le 23 janvier 2019.
Une activité « non commerciale »
Premier point : le cahier des charges du lotissement créé en 1964, qui interdit les activités commerciales et artisanales, est-il opposable à l’entreprise ?
Cette clause d’interdiction ne figure pas dans l’acte d’achat signé par cette dernière. Cependant, cette interdiction a été auparavant publiée au bureau des hypothèques des Andelys, et apparaît dans les trois précédents actes de vente concernant la parcelle acquise en dernier par l’entreprise : l’interdiction d’une activité commerciale lui est, selon la cour, opposable.
Le gérant de l’entreprise a ensuite tenté de démontrer que son activité dans le lotissement n’était pas commerciale : aucune entreprise de transport fluvial n’est exploitée sur la parcelle en cause : le siège social de l’entreprise se trouve en Seine-Maritime.
Ces amarrages qui restent occasionnels, ne donnent lieu à aucun chargement ou déchargement et il n’existe aucune contrepartie financière.
La cour d’appel a rejeté ces arguments.
L’interdiction d’activités commerciales dans le lotissement est générale.
Peu importe qu’il s’agisse d’amarrages occasionnels. D’autant que le gérant a fait installer des poteaux d’amarrage et les bateaux amarrés sont alimentés en électricité à partir de sa propriété.
Les pousseurs interdits
Et surtout le gérant a, quinze jours après l’achat de la parcelle, « passé une convention d’occupation temporaire du domaine public fluvial avec l’établissement public Voies navigables de France prévoyant l’amarrage devant sa propriété de deux pousseurs.»
Constatant qu’il existe une activité commerciale qui viole le cahier des charges du lotissement, la cour d’appel confirme l’interdiction d’amarrer des pousseurs.
Elle confirme aussi les 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Les juges d’appel portent les frais de justice que l’entreprise devra verser au voisin de 1 500 à 7 000 euros.
Louis Laroque